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Formations cinéma documentaire à Lussas

Ardèche Images propose des formations à l'écriture, à la réalisation et à la production documentaire.

Il y a matière : matière à parler, à jouer, à rêver, à toucher.

 

Les étudiants du master ont suivi un atelier de réalisation dans un laboratoire artisanal de cinéma (l’Atelier MTK, avec Etienne Caire). Tournage, développement, tirage contact & optique, en 16mm. Voici ce qu’ils disent de cette expérience :

 

 

16:3

 

 


Damien Pelletier-Brun


"Contrôler la précision. Être moi-même un instrument de précision". (Bresson)

 

Le 16mm constitue une histoire de l’artisanat en cour d'industrialisation ou l'arrière boutique du forain : tour à métaux + machine à coudre + bain de chimiste + tour à potier = image + mouvement + mains. Les doux ronflements, bruissements et vrombissements des machines rassurent l'oreille quant au bon déroulement de la pellicule dans l'appareil loin du silence électrique qui oscille dans les circuits imprimés.

 

 16:2


Justine Okolodkoff 


Seize millimètres. Seize micromètres. Microsecondes. Tu découpes mais autrement. Tu regardes autrement: le cadre est petit, il fait trop noir. Allume la lumière. Ouvre la lumière en fait. Seize secondes. T'as pas le temps de filmer tout ce que tu voudrais: les textures, les détails, les petites traces, les cuticules, la pupille qui change de taille. Ce sera une action, un geste, une mise en scène pas vraiment préméditée. Alors met toi là, voilà: la lumière est pas mal. T'enregistres, t'as dix secondes, seize micro grains de sable. Ça ne veut pas dire grand chose mais tu peux te laisser porter par le bruit, le bzzz de la caméra. Flash. Back. Ça rappelle des souvenirs qui ne sont sûrement pas les tiens. C'est précieux là l'image. Et si j'avais mal mis l'organisme dans la caméra, et si ça marchait pas. Noir. Noir. Blanc. Faut que ça marche. Question...d'efforts? Seize millimètres, regarde plus fort. A un mètre cinquante. temps, distance réglementés. Portrait. Tu voudrais bien faire le portrait de la pierre, des murs en béton.

 

Non. Une personne, des grimaces. Pas la texture de tes habitudes de maniaque. Le mouvement pas la texture pixo-millimétrée, chiadée, dématérialisée. La texture des bacs à produits. Noir. Noir. Blanc-lumière. Image. Je sors, tu sors, on sort la bobine. C'est plus précieux que le fil. Tu peux pas tout emmêler et couper dans le tas par flemme. Tu y vas lentement. Seize micro-secondes d'éternité pour débobiner, rembobiner. Tu sens la matière que tu connais un peu. La pellicule c'est de la matière bâtarde: plastoque qui glisse, vitre, colle, surface lisse, résistance. Tu fais gaffe aux encoches. En bas. Les bacs. Des températures différentes que tu réalises mieux dans le noir complet. Et les voix des autres, leurs mains, leurs mains-voix.

 

A un moment, ça y est: les petites formes apparaissent. Négativement. Ça veut dire que tu ne vois rien encore. Du suspense dans ta maniaquerie. Tu vois les images. C'est une histoire, c'est l'histoire des mains passées dans les bacs, des mains dans le noir. Et tu joues avec la surface de la pellicule, fais admettre son jeu de surmatérialité. Et la maniaquerie reprend. Ce que tu n'as pas pu faire au moment de saisir l'image, tu le fais maintenant. Jouer à révéler, à dévoyer la lumière ou à casser l'image en deux. Tu diffractes, tu détraques la matière. Mettre des veines, des nervures, des fuseaux d'irrigation partout sur le noir. Noir. Noir. Blanc.

 


Seize millimètres.

Seize micro secondes.

J'ai eu le temps d'être

Le doigt sur la gachette du réel, un quart de seconde.

Mais y a matière... Matière à parler, matière à jouer, matière à rêver, matière à toucher.

Alors je retournerais bien du côté de la patience pour boucler le réel en matières premières.

 

 

Ils se sont filmés entre eux, dans un principe d’altéro-portraits.

 

Marine Jolivet 


Les 5 sens. Filmer un peu à l'aveugle aux bruits de la pellicule qui défile en se rendant davantage compte du temps qui s'écoule. Se faire les muscles des bras et des épaules en tenant maladroitement les vieilles caméras. Toucher et manipuler l'objet caméra dans l'obscurité de la chambre noire pour développer le négatif. Etre déstabilisé par l'odeur aigre-douce du chimique liquide révélateur. La pause midi et le goût du repas partagé à l'ombre de l'arbre. Voir et revoir les photogrammes qui se succèdent pour révéler nos propres images, donnant l'étrange sensation de nous visionner nous-même dans un film des années 50.

 

Photos : Vincent Sorrel

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